Audience du 22 mars 2020 : Saisine du Conseil d’Etat pour mise en confinement total de la population française.

Le Conseil d’Etat a été saisi par le syndicat des jeunes médecins en application des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative.

Cet article du code de justice administrative permet, lorsque l’urgence le justifie, à tout justiciable qui peut justifier d’un intérêt à agir, de saisir en référé le juge administratif, lequel peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public, aurait porté atteinte dans l’exercice de ses pouvoirs.

Le texte exige la démonstration d’une atteinte grave et manifeste à une liberté fondamentale.

L’article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales protège le droit au respect de la vie et le Conseil d’Etat a érigé le droit au respect de la vie au nombre des libertés fondamentales dont le juge des référés libertés peut contrôler toute atteinte manifeste (CE, 2 décembre 2011, req. n°354445).

Dans sa requête introduite au Conseil d’Etat, le syndicat des jeunes médecins considère que l’Etat porte une atteinte grave à la liberté fondamentale du droit au respect de la vie en limitant les mesures de confinement à celles qui ont été arrêtées par le décret du 16 mars 2020 (voir notre précédent article).

Il considère que la condition d’urgence est justifiée par l’augmentation exponentielle du nombre de patients infectés par le COVD 19 et par la saturation des services de réanimation de la plupart de hôpitaux; et cette condition est en effet manifestement remplie.

Sur l’atteinte grave et manifeste, le syndicat requérant estime que, d’une part, les français demeurent anormalement exposés et donc mis en danger par les mesures de confinement prises par le gouvernement qui seraient notoirement insuffisantes et que, d’autre part, que les personnels soignants sont mis en danger, l’Etat n’ayant pas pris les mesures propres et adéquates pour faire cesser la propagation du virus.

Pour le syndicat requérant, seul un confinement strict permettant de nourrir les patients confinés, ainsi que le dépistage et l’isolement des patients atteints, peuvent aboutir à la maîtrise de cette situation sanitaire.

D’après le syndicat, actuellement 15 % des patients atteints développent une pneumonie virale dont la sévérité est variable.

Deux stratégies thérapeutiques sont efficaces réellement à savoir le confinement total et le dépistage en masse, comme cela a été le cas en Corée du Sud et au Nigéria.

Les médecins sollicitent donc du Conseil d’Etat ;

-qu’il ordonne l’interdiction totale de sortir de son lieu de confinement ;

-qu’il ordonne l’arrêt de tous les transports en commun ;

-qu’il ordonne l’arrêt de toutes les activités jugées non essentielles du pays ;

-qu’il ordonne la mise en place d’un ravitaillement de la population confinée qui aurait une interdiction totale de sortir sauf obligation de soins.

En application des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, le juge des référés doit se prononcer en théorie, dans les 48 heures de sa saisine.

Le délibéré du Conseil d’Etat pourrait donc intervenir dès aujourd’hui, après l’audience.

En tout état de cause, on peut raisonnablement penser que ce référé sera rejeté, car il ne démontre pas en quoi le gouvernement aurait porté une « atteinte grave et manifestement illégale » au respect au droit à la vie, alors qu’il a déjà décidé un confinement partiel, que la loi, qui est en cours d’adoption au Parlement ce week-end,  lui permettra de décréter un confinement général de la population et que les mesures de confinement devraient être renforcées dès le début de la semaine prochaine.

Marc Bellanger

HMS AVOCATS