L’ordonnance n°2020-319 du 25 mars 2020 adaptant les règles de la commande publique dans le contexte de l’état d’urgence sanitaire
La très récente loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19, publiée au JORF du 24 mars 2020, a habilité le Gouvernement, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, à prendre par ordonnances, dans un délai de trois mois à compter de la publication de la loi, toute mesure, pouvant entrer en vigueur si nécessaire à compter du 12 mars 2020, relevant du domaine de la loi, afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et aux conséquences des mesures prises pour limiter cette propagation.
Dans ce cadre, l’exécutif a été autorisé à adapter les règles de passation, de délais de paiement, d’exécution et de résiliation, notamment celles relatives aux pénalités contractuelles, prévues par le code de la commande publique ainsi que les stipulations des contrats publics ayant un tel objet, pour prévenir et limiter la cessation d’activité des personnes exerçant une activité économique ainsi que ses incidences sur l’emploi.
C’est chose faite avec l’ordonnance n°2020-319 du 25 mars 2020 portant diverses mesures d’adaptation des règles de passation, de procédure ou d’exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics qui n’en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l’épidémie de covid-19, publiée au JORF du 26 mars 2020.
- Le champ d’application de l’ordonnance
Les dispositions de cette ordonnance sont applicables aux contrats soumis au code de la commande publique ainsi qu’aux contrats publics qui n’en relèvent pas, en cours ou conclus durant la période courant du 12 mars 2020 jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 précitée, augmentée d’une durée de deux mois.
A cet égard, il convient de rappeler que cet article 4 de la loi déclarant l’état d’urgence sanitaire a fixé la durée de celle-ci à deux mois courant à compter du 24 mars 2020.
En l’état, ces dispositions ont vocation à s’appliquer jusqu’au 24 juillet 2020.
Elles ne sont mises en œuvre que dans la mesure où elles sont nécessaires pour faire face aux conséquences, dans la passation et l’exécution de ces contrats, de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation.
- La prolongation des délais de réception des candidatures et des offres
Cette mesure concerne les contrats soumis au code de la commande publique.
Sauf lorsque les prestations objet du contrat ne peuvent souffrir aucun retard, les délais de réception des candidatures et des offres dans les procédures en cours sont prolongés d’une durée suffisante, fixée par l’autorité contractante, pour permettre aux opérateurs économiques de présenter leur candidature ou de soumissionner.
- L’aménagement des modalités de mise en concurrence prévues dans les documents de la consultation des entreprises
L’autorité contractante, qui ne peut respecter les modalités de la mise en concurrence prévues dans les documents de la consultation des entreprises, peut, en cours de procédure de passation, les aménager en veillant à respecter le principe d’égalité de traitement des candidats.
- La prolongation des contrats publics arrivés à échéance
Si l’organisation d’une procédure de mise en concurrence ne peut pas être mise en œuvre, un avenant peut être passé pour prolonger les contrats arrivés à échéance pendant la période d’état d’urgence sanitaire augmentée de deux mois, au-delà de leur durée prévue initialement.
Cette prolongation ne peut toutefois excéder la durée d’application de l’ordonnance, augmentée de la durée nécessaire à la remise en concurrence à l’issue de son expiration.
- Les conditions de versement de l’avance
Un avenant peut modifier les conditions de versement de l’avance et porter son taux à un montant supérieur à 60 % du montant du marché ou du bon de commande.
Pour les avances supérieures à 30 % du montant du marché, les acheteurs ne sont pas tenus d’exiger la constitution d’une garantie à première demande.
- Les difficultés d’exécution du contrat
L’ordonnance prévoit, en cas de difficultés d’exécution du contrat, des dispositions particulières qui s’appliquent nonobstant toute stipulation contraire, à l’exception des stipulations qui se trouveraient être plus favorables au titulaire du contrat.
6.1. La prolongation du délai d’exécution
Dans le cas où il ne peut pas respecter le délai d’exécution d’une ou plusieurs de ses obligations contractuelles ou si cette exécution en temps et en heure nécessiterait des moyens dont la mobilisation ferait peser sur lui une charge manifestement excessive, le titulaire peut obtenir une prolongation de ce délai d’une durée au moins équivalente à celle de la période d’état d’urgence sanitaire augmentée de deux mois, à condition que sa demande intervienne avant l’expiration du délai contractuel.
6.2. Les restrictions à l’engagement de la responsabilité contractuelle
Les règles sont également assouplies pour le titulaire et pour l’acheteur lorsque le premier est dans l’impossibilité d’exécuter tout ou partie d’un bon de commande ou d’un contrat, notamment lorsqu’il démontre qu’il ne dispose pas des moyens suffisants ou que leur mobilisation ferait peser sur lui une charge manifestement excessive.
Dans cette hypothèse :
- d’une part, le titulaire ne peut pas être sanctionné, ni se voir appliquer les pénalités contractuelles. Sa responsabilité contractuelle ne peut pas être engagée pour ce motif ;
- d’autre part, l’acheteur a la possibilité de conclure un marché de substitution avec un tiers pour satisfaire ceux de ses besoins qui ne peuvent souffrir aucun retard, nonobstant toute clause d’exclusivité et sans que le titulaire du marché initial ne puisse engager, pour ce motif, la responsabilité contractuelle de l’acheteur. L’exécution du marché de substitution ne peut alors être effectuée aux frais et risques de ce titulaire.
6.3. L’indemnisation des dépenses engagées en cas d’annulation d’un bon de commande ou de résiliation du marché
Si le titulaire annule un bon de commande ou résilie le marché en raison des mesures prises par les autorités administratives compétentes dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, le titulaire peut être indemnisé, par l’acheteur, des dépenses engagées lorsque celles-ci sont directement imputables à l’exécution du bon de commande annulé ou du marché résilié.
6.4. La suspension d’un marché à prix forfaitaire en cours d’exécution
Lorsque l’acheteur est conduit à suspendre un marché à prix forfaitaire en cours d’exécution, il doit alors procéder sans délai au règlement du marché selon les modalités et pour les montants prévus par le contrat.
A l’issue de la suspension, les parties devront signer un avenant pour déterminer les modifications du contrat éventuellement nécessaires, sa reprise à l’identique ou sa résiliation ainsi que les sommes dues au titulaire ou, le cas échéant, les sommes dues par ce dernier à l’acheteur.
6.5. Les conséquences de la suspension de l’exécution de la concession ou des modifications significatives apportées à ses modalités d’exécution
La situation d’état d’urgence sanitaire peut conduire l’autorité concédante à suspendre l’exécution d’une concession.
Dans cette hypothèse, le versement des sommes dues par le concessionnaire au concédant est suspendu. Si la situation de l’opérateur économique le justifie et à hauteur de ses besoins, le concédant peut lui verser une avance sur le versement des sommes qui lui sont dues.
De même, la situation actuelle peut amener l’autorité concédante à modifier significativement les modalités d’exécution prévues au contrat de concession, sans pour autant décider de la suspension de ce contrat.
Cette modification significative des modalités d’exécution de la concession ouvre au concessionnaire un droit à être indemnisé afin de compenser le surcoût qui résulte de l’exécution, même partielle, du service ou des travaux, lorsque la poursuite de l’exécution de la concession impose la mise en œuvre de moyens supplémentaires qui n’étaient pas prévus au contrat initial et qui représenteraient une charge manifestement excessive au regard de la situation financière du concessionnaire.
Donatien de Bailliencourt
HMS AVOCATS