Ordonnance n° 439674 du 22 mars 2020 : vers un confinement renforcé dans les 48 heures.
Le Conseil d’Etat vient de rejeter, dans son ordonnance n° 439674, la demande formulée en référé par le syndicat des jeunes médecins tendant au confinement total de la population.
Dans sa décision, le Conseil d’Etat a rappelé que, lorsque l’action ou la carence de l’autorité publique crée un danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à cette liberté fondamentale, le juge des référé peut prescrire toutes mesures de nature à faire cesser le danger de cette carence.
Toutefois, il ne peut le faire que lorsqu’il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à cette liberté; le caractère manifestement illégal de l’atteinte devant s’apprécier en tenant compte des moyens dont dispose l’autorité compétente et des mesures qu’elle a déjà prises.
En l’espèce, le Conseil d’Etat a relevé que le gouvernement avait pris un certain nombre de mesures et que le Premier ministre avait également, par décret du 16 mars 2020, interdit le déplacement de toute personne hors de son domicile sauf dérogation, ainsi que tout regroupement.
La Haute Assemblée a considéré que ce dispositif était susceptible d’être à nouveau adapté en fonction des circonstances et que le gouvernement a fait savoir à l’audience publique que le conseil scientifique devait se réunir lundi 23 mars pour se prononcer sur la durée et l’étendue du confinement.
Dans ces conditions, le confinement total de la population qui était demandé par le syndicat requérant ne peut être ordonné sauf à risquer de graves ruptures d’approvisionnement qui seraient elles-mêmes dangereuses pour la protection de la vie.
Pour le Conseil d’Etat, la poursuite de certaines activités apparaît vitale et il n’apparaît pas que le Premier ministre ait fait preuve d’une carence illégale en ne décidant pas un confinement total de la population sur l’ensemble du territoire.
Par contre, le Conseil d’Etat est venu préciser que « si en l’état actuel de l’épidémie, l’économie générale des arrêtés ministériels et du décret du 16 mars 2020 ne révèle pas une telle carence, celle-ci est toutefois susceptible d’être caractérisée si leurs dispositions sont inexactement interprétées et leur non-respect inégalement ou insuffisamment sanctionné… ».
Le Conseil d’Etat a ainsi critiqué, comme non dénués « d’ambiguïté », les déplacements « pour motif de santé », ou encore les déplacements liés à « l’activité physique et aux besoins des animaux ». Il en va de même des marchés ouverts au sein desquels les gestes « barrières » ne sont pas toujours respectés.
Le Conseil d’Etat a donc rappelé qu’il appartenait au gouvernement de renforcer les sanctions, aux forces de sécurité de faire respecter ces « gestes barrières » et aux Préfets comme aux maires d’adopter, en vertu de leurs pouvoirs de police locaux, des interdictions plus restrictives encore qui seraient justifiées par des circonstances locales.
En conclusion, le Conseil d’Etat enjoint au gouvernement dans les 48 heures :
- de préciser la portée de la dérogation au confinement pour raison de santé ;
- de réexaminer le maintien par dérogation pour déplacement brefs à domicile ;
- d’évaluer le risque du maintien en fonctionnement des marchés .
Le Conseil d’Etat ouvre donc la voie très clairement au gouvernement d’étendre considérablement les modalités du confinement; ce que va précisément lui permettre de faire la loi sur l’urgence sanitaire que le Parlement doit voter ce soir, après trois jours de débats entre le Sénat et l’Assemblée Nationale. Cette loi va lui permettre de restreindre de manière inédite en droit français la liberté d’aller et venir, la liberté d’entreprendre et la liberté de réunion.
Ces mesures renforcées de confinement devraient intervenir après la réunion du conseil scientifique de demain.
Marc Bellanger
HMS AVOCATS