Le maître d’ouvrage peut-il obtenir le remboursement des avances qu’il a consenties à un sous-traitant en cas de résiliation d’un marché public pour faute de son titulaire ?
Par une décision du 4 mars 2020, le Conseil d’Etat a apporté des précisions intéressantes sur les conditions de remboursement des avances forfaitaires versées au sous-traitant dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître d’ouvrage public, lorsque le marché public est résilié aux torts du titulaire.
Dans l’affaire portée devant lui, une société titulaire d’un lot d’un marché public portant sur la construction d’un hôpital local avait sous-traité une partie de l’exécution de ce lot. Le sous-traitant déclaré et agréé avait contesté sans succès devant les juridictions du fond la légalité du titre exécutoire qui avait été émis à son encontre, en décembre 2012, par le centre hospitalier, maître d’ouvrage, lequel entendait obtenir le remboursement de l’avance forfaitaire sur travaux qui avait été versée à cette société sous-traitante, en raison de la résiliation du marché aux torts de l’entreprise titulaire.
Statuant en cassation, le Conseil d’Etat a tout d’abord rappelé que les avances accordées et versées au titulaire d’un marché public en vertu de l’article 87 du code des marchés publics alors applicable – et dont les dispositions sont reprises aux articles R. 2191-3 et suivants du code de la commande publique -, ont pour objet de lui fournir une trésorerie suffisante destinée à assurer le préfinancement de l’exécution des prestations qui lui ont été confiées.
Il a ensuite précisé que, d’une part, en application de l’article 88 du code des marchés publics – repris en substance par les articles R. 2191-11 et R. 2191-12 du code de la commande publique -, le maître d’ouvrage peut imputer le remboursement des avances par précompte sur les sommes dues au titulaire du marché à titre d’acomptes, de règlement partiel définitif ou de solde et, d’autre part, conformément à l’article 115 du code des marchés publics – dont les dispositions figurent aux articles R. 2193-17 et suivants du code de la commande publique -, ces modalités de remboursement s’appliquent au sous-traitant bénéficiaire du paiement direct lorsque des avances lui ont été versées.
Le Conseil d’Etat a déduit de ces dispositions qu’en cas de résiliation du marché avant que l’avance ait pu être remboursée par précompte sur les prestations dues, le maître d’ouvrage peut obtenir le remboursement de l’avance versée au titulaire du marché ou à son sous-traitant sous réserve des dépenses qu’ils ont exposées et qui correspondent à des prestations prévues au marché et effectivement réalisées.
Il a enfin ajouté qu’en cas de résiliation pour faute du marché, le remboursement de l’avance par le sous-traitant ne fait pas obstacle à ce que celui-ci engage une action contre le titulaire du marché et lui demande, le cas échéant, réparation du préjudice que cette résiliation lui a causé à raison des dépenses engagées en vue de l’exécution de prestations prévues initialement au marché.
Dans cet arrêt, le Conseil d’Etat a donc censuré, pour erreur de droit, le raisonnement de la cour qui avait considéré que le maître d’ouvrage ne pouvait pas obtenir le remboursement de l’avance versée à la société sous-traitante par précompte sur les sommes dues au sous-traitant, sur le fondement des articles 88 et 115 du code des marchés publics alors applicables, puisque cette société n’avait pas exécuté, ne serait-ce que partiellement, les prestations qui lui avaient été confiées, alors que précisément le fondement du remboursement des avances par le sous-traitant, à raison d’une absence totale ou partielle de réalisation de ses prestations, repose sur ces articles 88 et 115 du code des marchés publics applicables au litige et ce même si le marché résilié n’avait pas été exécuté.
Bien que rendue sur le fondement des anciennes dispositions du code des marchés publics, cette solution a naturellement vocation à s’appliquer à l’égard des dispositions du code de la commande publique relatives aux avances et à leurs modalités de remboursement.
Donatien de Bailliencourt
HMS AVOCATS
CE, 4 mars 2020, Société Savima c. Centre hospitalier de Capesterre-Belle-Eau, req. n°423443