Point sur l’obligation de recherche de reclassement en cas de suppression de poste au sein d’une chambre de commerce et d’industrie.
Deux arrêts récemment rendus par les cours administratives d’appel de Douai et de Paris les 10 octobre et 12 novembre 2019 ont précisé les contours de l’obligation de recherche de reclassement pesant sur les Chambres de commerce et d’industrie (CCI) en cas de suppression de poste occupé.
Les CCI sont des établissements publics administratifs de l’Etat, dont les personnels dédiés aux activités administratives ont la qualité d’agents publics et relèvent d’un statut adopté par une Commission paritaire nationale en application de l’article 1er de la loi n°52-1311 du 10 décembre 1952.
Si elle a prévu dorénavant le recrutement de personnels de droit privé par les CCI, la loi ACTE adoptée le 22 mai 2019 n’a pas remis en cause la situation statutaire des personnels de droit public actuellement employés par ces établissements publics.
L’article 35-1 du statut applicable à ces agents publics prévoit qu’en cas de suppression de postes pouvant entraîner des licenciements au sein d’une CCI, cette dernière doit procéder obligatoirement à des recherches de reclassement au sein de l’ensemble des établissements consulaires de la région et au niveau de l’ensemble des établissements du réseau des CCI de France.
Les deux affaires portées devant les cours administratives d’appel de Douai et de Paris ont précisément trait à l’application de ces dispositions.
En l’espèce, le poste des agents concernés avait été supprimé par leur employeur : respectivement la CCI de région Nord de France et la CCI de région Paris Ile-de-France, pour des motifs de réorganisation interne et de restrictions budgétaires. Après d’infructueuses recherches de reclassement, les deux CCI ont procédé au licenciement des deux agents qui ont obtenu des tribunaux administratifs de Lille et de Paris l’annulation de ce licenciement ; les premiers juges estimant que les CCI employeurs avaient méconnu leur obligation de recherche de reclassement (TA Lille, 21 novembre 2017, n° 1600859 ; TA Paris, 5 avril 2018, n° 1619104/2-2).
Saisies par les CCI employeurs, les juridictions d’appel ont confirmé ces jugements, en apportant d’intéressantes précisions quant au champ d’application interne (A) et externe (B) de l’obligation de recherche de reclassement.
A) Arrêt de la cour administrative d’appel de Douai du 10 octobre 2019 (n°18DA00130 et 18DA00136, Mme G.)
Dans la première affaire, la cour administrative d’appel de Douai a rappelé qu’en application des dispositions du statut du personnel administratif des CCI, il appartenait à l’employeur d’examiner les possibilités de reclassement de l’agent dont le poste avait été supprimé, notamment en son sein, tant sur des emplois équivalents que sur des emplois de rang hiérarchique inférieur.
Elle a constaté que la CCI n’avait formulé aucune proposition de reclassement interne à son agent, alors que celui-ci, titulaire d’un doctorat en géographie économique, avait pourtant fait acte de candidature sur cinq postes ouverts au recrutement en interne et que ses demandes avaient été rejetées sans que la CCI n’explique son choix.
La cour a également considéré que, concomitamment à la procédure de licenciement, douze postes hiérarchiquement équivalents à celui occupé antérieurement par l’agent ou d’un rang hiérarchique inférieur, avaient été offerts à d’autres collaborateurs de la CCI. Parmi ces postes, figurait notamment un emploi de chargé d’information, pour lequel l’agent avait fait connaître son intérêt et qui avait finalement été proposé à un autre personnel « eu égard à sa compétence professionnelle ».
Elle a donc estimé que la CCI ne justifiait pas des raisons objectives l’ayant conduite à écarter systématiquement la candidature de l’agent licencié et que l’établissement public avait méconnu son obligation de reclassement.
Cet arrêt apporte ainsi un éclairage intéressant sur les obligations de la personne publique en matière de reclassement interne, en soulignant notamment que, lorsque la personne publique procède à un fléchage préalable des propositions de reclassement adressées à ses agents, celui-ci doit être méticuleusement justifié ; et ce d’autant plus si un tel processus aboutit, comme tel était le cas en l’espèce, à ce qu’un agent se trouve dépourvu de toute offre de reclassement.
B) Arrêt de la cour administrative d’appel de Paris du 12 novembre 2019 (n°18PA01897, Mme A.)
La seconde affaire a amené la cour administrative d’appel de Paris à préciser l’ampleur des recherches de reclassement devant être menées au plan externe par la personne publique appartenant à un réseau.
Plus précisément, la cour a relevé que si des propositions de reclassement avaient été formulées par la CCI à l’agent concerné, rien n’établissait que ces offres faisaient suite à une recherche de postes au sein de l’ensemble du réseau des CCI.
La cour a ensuite indiqué les démarches que l’établissement public aurait dû mettre en œuvre pour satisfaire à ses obligations en matière de recherches de reclassement au niveau externe : diffusion du profil professionnel de l’agent concerné au sein du réseau consulaire, « diligences particulières »… .
Elle a enfin relevé – et ce point est important – que la seule invitation faite aux agents licenciés pour suppression de poste de consulter le site recensant les offres d’emploi du réseau des CCI ne saurait à elle seule suffire à satisfaire l’obligation de recherche de reclassement au sein du réseau consulaire qui incombe à la CCI employeur.
Considérant que la CCI employeur n’apportait pas, au stade de l’appel, d’élément nouveau sur l’ensemble de ces points, par rapport au dossier qu’elle avait produit en première instance, la cour a confirmé la solution des premiers juges.
Ce second arrêt témoigne du soin particulier devant être apporté aux recherches de reclassement au sein du réseau auquel appartient une personne publique ; cette obligation ne pouvant in fine être déléguée à l’agent licencié via un site intranet.
Dans chacune de ces affaires, le Cabinet HMS Avocats représentait les agents licenciés.
Hugo Tastard
HMS AVOCATS